Ne suis-je pas une femme : Déconstruction du récit patriarcal et raciste

Parler de « Ne suis-je pas une femme ? » c’est prendre le risque de trop dire ou de ne pas dire assez.

Ne suis-je pas une femme?

J’ai terminé la lecture de ce superbe livre de bell hooks il y a déjà un moment et je dois avouer que dès les premières pages, j’ai su que je l’adorerais. Je décide de vous en parler parce qu’il m’a transcendée et parce que je suis convaincue que, que vous soyez femme ou homme, il est important pour tous.tes les Africain.es, tous.tes les Afro-descendant.es et toutes les personnes noires, et même au-delà, de lire ce livre. À sa lecture, beaucoup de choses que je savais sans comprendre pourquoi ont pris sens. Beaucoup de choses ont pris sens et forme.

Ne suis-je pas une femme? de bell hooks

Personnellement, autant j’aime les livres de recherche, autant j’ai souvent du mal à me plonger dans leur lecture corps et âme. Pourquoi ? La raison est simple : les autrices et auteurs de ces creusets de connaissance ont souvent tendance à rester trop techniques, mathématiques, avec un langage parfois hermétique pour le commun des mortels. Mon esprit, qui doit se remettre de semaines parfois éprouvantes professionnellement, peine à rester concentré. Le livre de bell hooks échappe à ces caractéristiques, et pour ce seul aspect , je le recommanderais éternellement.

J’ai vu « Kunta Kinte » et « Twelve Years a Slave », mais j’ai appris énormément grâce à « Ne suis-je pas une femme ? » concernant le traitement réservé aux femmes noires. La lecture de ce livre, bien que fluide, a été émotionnellement difficile. Nous avons souvent entendu parler de mauvais traitements, mais ce que j’ai lu bien au-delà : les femmes noires ont souffert le martyre de toutes parts (des hommes blancs, des femmes blanches et des hommes noirs aussi…). En bref, pour parler comme les Camerounais, elles étaient les « moins chères » de l’échelle sociale et le sont encore. Vous devez vous demander pourquoi je développe tellement.

Il y a de « grands noms » qui, lorsqu’ils apparaissent dans un texte de recherche, donnent du poids à l’ouvrage. Et « Ne suis-je pas une femme ? » en regorge. Croiser le nom de Shirley Chisholm, militante civique et des femmes noires, m’a permis de comprendre le sens des luttes. Certaines se battaient pour maintenir et accroître leurs privilèges, d’autres pour exister comme l’oppresseur, et enfin celles qui voulaient simplement exister pour ce qu’elles sont !

Lire « Ne suis-je pas une femme ? » m’a rendue suspicieuse à plusieurs égards. Vous le savez sans doute, la scène féministe, comme de nombreux courants, souffre de tensions et divergences qui ne datent pas d’hier. Nous ne nous battons pas toutes pour les mêmes raisons. Je vous explique : il y a peu, j’ai acheté un livre qui parle de femmes et de féminisme, un sujet qui m’intéresse particulièrement. Je l’ai donc acheté dans l’espoir d’y apprendre quelque chose. Seulement, dès les premières pages, le manque de diversité m’a sauté aux yeux. Bien qu’ayant essayé de me forcer, j’ai arrêté avant la 5e page. Certains diront que je chipote, que je cherche la petite bête, mais j’estime qu’en 2024, un ouvrage sur le féminisme ne peut éluder les luttes des femmes noires et racisées. Nos réalités ne sont pas les mêmes et ne peuvent être présentées de manière unifiée, sans nuance. Auquel cas, que l’ouvrage se concentre sur une région géographique ou un contexte spécifique dès le début. Du fait de l’esclavage et de la colonisation, nos vies et nos histoires se sont croisées et de ce simple fait, devraient être mentionnées. On gagnerait en temps comme on dit au Cameroun.

« Tous les hommes haïssent les femmes ». Ce n’est pas moi qui le dis ! c’est bell hooks dans le livre dont je parle ici. Et ceci ne date pas d’aujourd’hui, de l’esclavage. J’ai mon avis sur la question, mais c’est une autre histoire ! Mais tout le monde sait que selon un mythe fondateur chrétien, le péché serait entré sur terre à cause de l’imprudence d’une femme qui s’est laissé tromper par le serpent et qui a séduit son homme en le poussant à manger du fruit défendu, qui soit dit en passant, n’a jamais été une pomme. C’est ainsi que la tentatrice est née. Une femme à l’origine du péché originel, incapable de résister : et donc la femme, cet être vil et servile, créé pour servir son homme, a été clouée au pilori sans autre forme de procès.

Avant que la première femme noire n’arrive aux É.-U., la Jézabel était blanche, vue comme une tentatrice ou une pécheresse. Dès l’arrivée des femmes noires, le narratif change : la « Vierge », femme prude et idéale, est mise en opposition aux femmes noires méprisées. Cette transformation du narratif à l’arrivée des femmes noires montre comment elles ont été dévalorisées aux yeux de la société.

Les hommes veulent tout et tout leur est dû. Depuis le mythe de la femme née de la côte de l’homme, les femmes sont considérées comme inférieures. J’ai trouvé révoltant que les droits pour lesquels les femmes noires américaines se battaient aient été sacrifiés pour ne pas saper la lutte des Noirs, bénéficiant du « masculin par défaut ». Les femmes noires ont souffert le racisme de manière plus intense, car elles subissaient également le sexisme des hommes blancs et noirs.

Alors que je m’achemine vers la fin de cette revue, une citation de « Moi, Tituba sorcière » de Maryse Condé me vient à l’esprit : « Blancs ou noirs, la vie sert trop bien les hommes ! ».

Posted by Leyopar

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