La première fois que j’ai vu la couverture du livre avec son titre “étrange” (De Jésus-Christ à Kim Kardashian – Les techniques pour influencer les masses: clients, communautés et citoyens) sur twitter, j’ai d’abord cru à une blague. Et puis, je m’en suis référée à Google qui sait tout comme me l’a dit un jour mon Archange de fils. Le titre existe bien et intriguée par le titre et le contenu du livre je décidai de me l’offrir.
J’ai adoré lire ce bouquin qui aborde des sujets qui pourraient sembler aller au-delà de la thématique du livre qu’est l’influence, mais dans la construction de l’argumentaire on comprend vite que l’auteur aborde tel ou tel sujet pour étayer son propos. Je ne m’attendais pas à avoir certains détails sur l’Empire romain ou même l’évolution de la chrétienté. A ce titre, cet ouvrage ne parle pas seulement d’influence, mais d’histoire, de marketing, de personal branding, etc. Et c’est parce que j’ai appris énormément de choses à la lecture de ce livre que je vous le recommande d’entrée de jeu.
Voici pourquoi
Commençons par le début pour parler comme au pays (Cameroun)
Le livre prend pour point de repère Jésus qui est la figure de proue du Christianisme. Plus de 2000 ans plus tard, le Christianisme est la religion la plus largement représentée à travers le monde bien que son “porteur de projet” soit mort depuis longtemps. A ce sujet, je me souviens d’un documentaire que j’ai regardé il y a une éternité de cela. Le documentaire traitait de l’expansion du Christianisme et expliquait qu’à l’époque cette religion était considérée comme une secte comme bien d’autres qui avaient pignon sur rue et qui tentaient de se démarquer du judaïsme. Le christianisme doit sa pérennité à des mariages de raison, au besoin de légitimité de l’empire romain qui avec le temps a fini par voir dans le christianisme une opportunité et non plus une menace comme ça avait été le cas des siècles auparavant. De l’autre côté, revenons à Jésus. La symbolique autour de sa naissance est forte. Lui le Roi est né dans une étable. Il a vécu simplement : fréquentant tout le monde, ne snobant pas les plus petits, les laissés pour compte, les pêcheurs patentés que les autres courants religieux méprisaient hautement. Jésus était le mec cool de son époque qui permettait aux uns et aux autres de se sentir aimés, de se sentir importants et de savoir que leur sort n’était pas sans espoir. Oui, Jésus était cet ami qui vous veut du bien, bienveillant, plein d’amour et de compassion. Et pour ça il donnait envie qu’on le suive. Car avec lui, il y avait cet espoir pour les «autres» que les grands courants de l’époque n’envisageaient pas pour eux.
Et puis un jour, l’empereur Constantin Le Grand se convertit. C’est le 1er Empereur romain à le faire et la démarche n’est ni banale, ni anodine bien que anecdotique! (certains spécialistes y voient plus une démarche polito-stratégique qu’un réel acte de foi)
Cette religion nouvelle semble encadrée et ses fidèles disciplinés. Seulement Jésus a une place prépondérante dans la chrétienté, Il OCCUPE TOUT L’ESPACE; afin d’éviter des émeutes, il négocie un réaménagement en se taillant la très bonne part de gâteau faisant de lui le représentant UNIQUE de Dieu sur terre: vous connaissez tous le concept de monarchie de droit divin, à présent vous en connaissez la source. Ceci dans le but d’améliorer son image, d’asseoir sa légitimité, assurer sa transmission et continuité mais aussi de lever toute contestation à son droit à gouverner, le tout avec le quitus d’une Eglise qu’il contribue à structurer profondément à son image. L’Empire s’est ainsi doté d’un «média de masse» via l’Église par lequel il diffuse son idéologie et définit son marketing. Marketing d’influence qui se fait à coup d’oppression et de terreur. Tous ceux qui ne sont pas chrétiens/ catholiques sont matés avec la plus grosse énergie. Non, nous n’avons pas l’intention de faire le procès de l’Église, nous relatons comment l’influence s’est construite… (t’as compris le truc ? 😉)
Transformations sociétales ou comment le pouvoir et la peur changent de camp
Ce centralisme s’observe également dans les entreprises. Avant la révolution industrielle, l’entreprise était «détenue» par une personne qui était au four et au moulin. Elle était PDG, responsable des ventes, assurait les relations clientèles et le service après vente… bref, tout lui tombait sur la tête. La clientèle ne se la ramenait pas avec des plaintes et des réclamations fantaisistes, elle se contentait de ce qui était produit et disponible tel que ça l’était. Gérer les chichis n’était pas l’objectif de la maison. Henry Ford disait d’ailleurs «les gens peuvent choisir n’importe quelle couleur pour le Ford, du moment que c’est du noir.» Et puis il y a eu la taylorisation qui a été une réelle RÉVOLUTION. Avec la fragmentation des tâches, vient de nouveaux emplois. Ensuite la conscience du consommateur s’éveille, il est informé, il sait ce qu’il veut, on apprend à le cerner, à le pousser à l’achat. Le pouvoir change de camp. Le temps passe, les mœurs progressent, l’information circule, se démocratise, elle n’est plus détenue par une élite qui seule à accès à la connaissance. Le consommateur est donc informé, il est soucieux de l’environnement, de la protection des animaux, du sort des « petites mains » et si l’entreprise veut survivre, elle ne peut pas s’offrir le luxe d’imposer les règles du jeu surtout que par ces temps, il y a la concurrence prête à se plier aux désidératas du petit peuple de Dieu. Fini le temps où la couleur était la seule option. Fini le temps où on se fiait uniquement à l’avis de spécialiste Dr. es toussa toussa car on a réalisé que leurs discours ne sont pas toujours motivés par la nécessité de dire la vérité. Non; la maison ne fait pas dans le conspirationnisme, nous parlons de faits.
Se libérer de la rigidité des codes
Quand on vit dans le monde de la communication «classique» on finit par vivre avec le fait qu’il n’y a pas de place pour l’improvisation. On travaille des heures durant souvent plus sur les stratégies de communication, les messages, etc. Tout est froid et calculé, déroulé tel un papier à musique. Seulement, malgré la dose de spontanéité qu’on y mettra, l’audience se rendra vite compte que tout ça n’est pas vrai. Que c’est calculé et trop apprêté. Or de plus en plus en tant que consommateur averti, il veut de l’authenticité: oust les messages trop policés.
Prenons l’exemple des influenceurs.euses : leur positionnement de produits fait souvent vendre mieux que les campagnes de publicité bien rodées. Parfois, elles n’ont pas besoin de texte. Il suffit juste qu’elles portent la chaussure, la robe ou le bijou sans mot dire et les ventes explosent.
Kim Kardashian nous avait donné une leçon de marketing/ publicité le 21 janvier 2022. Elle pose « innocemment » avec une Nike Air Max 95 roses aux pieds. L’histoire ne dit pas si c’est un placement de produit ou pas mais toujours est-il que «les recherches d’Air Max 95 roses ont augmenté de 2 400%, et les mots-clés « Air Max 95 » ont fait un bond de 200%.» Si ça n’est pas de l’influence… La photo en question…
Du recours aux influenceurs.euses, l’auteur lui-même confesse que : « Or, en travaillant avec des marques prestigieuses, ces influenceuses doivent souvent entrer dans un processus de planification assez habituel dans les services de communication de grands groupes. La sur-préparation étant l’ennemi de la spontanéité, ce processus, pourtant conçu pour maximiser l’impact des campagnes, obtenait généralement l’effet inverse sur les opérations que mes équipes avaient en charge. À trop vouloir organiser les choses, on tuait l’initiative et on stéréotypait les discours qui, du coup, engageaient moins les communautés de fans. Préparer de façon trop précise les opérations de communication et le faire trop en avance, c’était s’interdire de profiter d’une opportunité, d’un imprévu, de surfer sur une rumeur qui vient de se lancer, de tout laisser tomber pour exploiter un message qui vient de s’envoler contre toute attente, un message qu’on pensait comme les autres mais qui grossit, qui décolle et qui gagne toute une communauté…
Nous enchaînions les résultats médiocres jusqu’à ce qu’une marque du portefeuille de mon client décide de jouer complètement le jeu des influenceuses, en leur accordant une grande latitude d’action. En tant que concepteurs et pilotes de cette campagne, nous devions notamment animer le collectif d’influenceuses, stimuler sa créativité, entretenir une émulation et un effet de groupe propres à galvaniser sa production de contenu. Le résultat a été le meilleur lancement européen des cinq dernières années sur le secteur de la coloration de cheveux. Il a eu un impact extraordinaire, sans commune mesure avec les budgets dépensés. » page 118
Sur un autre registre toujours dans la section «influence et spontanéité ou authenticité dans le message», parlons des hommes politiques. On a tous en mémoire le cas de Donald Trump dont le franc parler sans filtre ni script témoigne d’une liberté de ton que la communication « corporate » ne tolère pas. Il “séduit” parce que son propos est jugé authentique sans filtre ni “note de cadrage”. Jair Bolsonaro, président du Brésil fait jaser également car il n’entre pas dans les canons de la communication “corporate” qui veut que tout soit bien comme il faut.
A leur façon, comme les influenceurs ( qu’ils sont) le caractère authentique, non filtré plaît à la masse. Parce que spontané, le message est tenu pour vrai car la personne dit les choses comme elle le pense contrairement aux hommes politiques dont les discours pleins de mensonges ou de vérités approximatives (bien que encadré) ont fini de décevoir leur audience….
A ce propos, C’est sûrement un communicateur qui a créé l’expression politiquement correct. Et si tel n’est pas le cas, c’est sans doute un politicien qui a compris que les mots dits ont un impact sur l’image de celui qui les prononce. Et pourtant ce sont leur dérapage ou sortie de piste selon notre entendement qui font leur charme.
Contrôler le narratif, verser dans le storytelling, n’est pas sans conséquence. Le message perd de son authenticité et l’audience/ destinataire n’est pas bête. Je l’ai d’ailleurs mentionné dans une publication sur Scidev.Net : « en matière de communication, le plus important en communication ne soit ni le message, ni le canal, ni l’émetteur, mais le destinataire. Quel que soit le soin que vous aurez mis dans votre message, si le destinataire n’est pas réceptif, ce sera peine perdue». Mes ami.e.s du marketing, vous le diront, des métiers ont été créés pour influencer le comportement du consommateur/ cible/ audience etc… car savoir ce qu’il veut ne suffit pas, il faut donner la motivation de passer à l’action d’achat: les professionnels du Mind mapping, packaging, et j’en oublie ont ainsi vu le jour. (Ps: malgré les efforts, on n’arrive toujours pas à comprendre le comportement du consommateur et c’est pas faute d’avoir essayé!!!!)
Par ailleurs, le recours aux influenceurs est aujourd’hui une stratégie payante car on est plus enclin à se laisser tenter quand quelqu’un d’autre en qui on a “confiance” en a déjà fait l’expérience.
L’influence et ses travers…
Vous l’aurez compris : avoir de l’autorité ou l’autorité ne suffit plus. Si on veut avoir des chances d’influencer, il faut savamment doser la légitimité, l’authenticité, la flexibilité, la spontanéité, la confiance. Seulement, ça ne suffit pas. La réputation de leaders et d’influenceurs s’est vu détériorer par de “petites omissions”…. C’est ainsi qu’on a vu la mention “partenariat rénuméré” sur certains posts comme sur Instagram notamment. Au cas où ça n’éveille rien en vous, il faut savoir qu’être payé pour parler d’un produit et parler d’un produit sans être payé n’a pas le même impact. Pour l’un, il s’agit d’un acte purement commercial, pour l’autre cela s’apparente à un acte “militant”: j’en parle car j’ai testé et j’apprécie. Si vous omettez de mettre dans quelle démarche vous vous inscrivez surtout si vous avez payé pour dire du bien d’un produit, la confiance que vous inspirez en prendra un coup et il n’est pas impossible que l’on fasse payer pour ça.
Je pourrais parler, oups, écrire des heures et des heures que je n’aurais pas épuisé les tous les angles que peut procurer ce livre qui est tant de choses à la fois. Je ne peux qu’une fois de plus vous le recommander pour que vous le dégustiez comme j’ai pu le faire.