Chronique d'un sexisme ordinaire**

Bienvenue dans une société phallique où le « dieu-homme » règne en tout puissant.

wpid-6983272.jpgEminado est ce qu’on appelle une « jeune cadre dynamique » du haut de son bac +5, elle a pu se hisser dans la catégorie 9 de son organisation. Pour faire plus simple, Eminado est une Cadre et fait partie de Senior Management Team de sa boîte. Elle a de quoi être fière; rien ne lui a été donné sur un plateau et elle a du se retrousser les manches pour en arriver là.


Aujourd’hui, il y a une réunion sur un projet pour lequel son avis a été requis. Alors qu’il rentre en salle de réunion, Hervé son collègue lui demande de bien vouloir prendre des notes (alors que Raymond son assistant à lui participe aux travaux) le tout avec un sourire en coin et avec un air supérieur. Eminado avait eu la naïveté de croire que c’est son esprit critique qui était convoqué.

Bienvenue dans une société phallique où le « dieu-homme » règne en tout puissant.

Cette scène irréelle est le vécu de bien des femmes dans le monde et en Afrique en particulier. Il est quand même aberrant qu’au 21 ème siècle, qu’il y en ait qui pense ainsi : une femme dans une réunion n’a de valeur ajoutée que celle de prendre des notes ou même parfois d’apporter du café! Étonnant également de constater que celles qui malgré les diplômes avérés, des femmes qui à force de travail finissent par évoluer professionnellement le doivent au canapé ou à la table du bureau du patron. Soyons sérieux. Le pire est que c’est devenu banal et normal de penser ainsi. Normal qu’une femme se fasse siffler en route, qu’elle se fasse traiter de cocotte ou encore tout simplement « qu’elle ne sache pas lire une carte ».

Les chiffres sont accablants. *

1) 94% de femmes font l’objet de comportements déplacés dans les transports.
2) 2/3 des cadres sont des hommes.
3) 80% des femmes salariées sont victimes d’actes sexistes
4) 603 millions de femmes vivent dans des pays où la violence domestique n’est pas un crime.

Ces chiffres qui sont valables* pour la France dépassent la limite de l’imaginable en Afrique où il n’existe ni loi, ni code de conduite encadrant les comportements jugés déplacés ou encore des études visants à évaluer l’amplitude du phénomène. De philosophie populaire c’est être « homme » que d’être macho et irrespectueux vis-à-vis des femmes. Et cet état des choses est amplifié par les concernées : les femmes qui bien souvent, denient quelque intelligence que ce soit à leurs congénères. En effet, beaucoup de femmes qui aiment à colporter les ragots, estiment qu’une femme qui gravit les échelons de son entreprise, ne le doit qu’au seul fait d’avoir les faveurs de son supérieur hiérarchique qui est forcément un homme. Permettez moi cette petite digression mais je voudrais savoir pourquoi les femmes ont un problème avec une autre qui réussit? Si d’aventure elle est d’une beauté insolente elle sera tout de suite étiquettée « marie couche toi là « , « promotion canapé  » ou je ne sais quel autre qualificatif à la con! S’il n’y a pas de respect ou de soutien entre nous comment peut-on espérer que le sexe opposé en fasse autant ? Bref… je digresse!

Dans les instances de décision partout où les femmes peuvent faire changer les choses, au lieu de centrer le débat sur la capacité des femmes, elles sont à « lutter » pour une meilleure représentivité dans l’arène politique : la fameuse règle du 50/50 en Afrique. Et exit le débat même salaire pour les mêmes responsabilité et diplômes. Aujourd’hui, c’est devenu normal qu’une femme soit ministre de la santé, de l’action sociale, de la famille et personne se demande pourquoi il n’y pas de femme ministre de la défense ou de l’économie.

Les clichés ont la peau dure.

Ils sont tenaces et commencent dès le berceau, que dis-je dès le ventre. En effet, le « bon sens » voudrait que les filles aiment le rose et les garçons le bleu. Voilà le stéréotype le plus absurde qui soit car beaucoup de filles aiment le bleu, le marron ou le noir. Je me rappelle de ce jour où rentrant de mon sport un monsieur m’a dit courage. Ou encore de cette autre fois durant laquelle ma collègue et moi essayions de dompter en courant le flanc  plus ou moins abrupte du phare des mamelles; il faut savoir que c’est un haut lieu du sport en plein air à Dakar. A tous les coups, c’était : « vous êtes braves », « courage les filles ». Vous devez vous dire que je fais ma difficile et que des encouragements ça ne fait de mal à personne. Soit! Si nous étions des hommes, jamais nous aurions eu droit à des « coin coin » de motivation. Il y a peu, je me suis entretenue au téléphone avec un ami (un garçon je précise pour que cela soit bien clair) qui avait le souffle court et saccadé parce qu’il gravissait une des 7 collines de Yaoundé. Pensez vous que les passants masculins l’ont encouragé?

D’un autre côté, dans certaines cultures notamment africaines, il est impensable qu’un homme remue les casseroles mais dans le même temps tout le monde (africains compris) valide le fait que le plus grand cuisinier au monde soit un homme ( un être humain de sexe masculin pour éviter tout amalgame 😉 ). A contrario, on fera plus confiance à une sage femme plutôt qu’à un homme exerçant la même fonction.

Et pourtant…

Être secrétaire, réceptionniste ou sage femme tout comme faire du café ou prendre des notes n’est pas de la compétence unique des femmes. Et il serait de bon ton d’arrêter de classer l’un ou l’autre des sexes dans des starting block et encourager l’explosion du meilleur de nous.

Si malgré toute mon analyse vous êtes encore et toujours septique, merci de bien m’expliquer ce grossier dérapage du Dalaï lama qui lors d’un entretien à un journaliste de la Bbc estime qu’une replaçante femme à sa succession  serait « inutile » si elle n’est pas « séduisante »!

**Ce billet a fait l’objet d’une publication pour le magazine EmmaMag. Je l’ai légèrement modifié pour le blog. 😉
* Source : http://m.bibamagazine.fr/style-de-vie/societe/journee-de-la-femmes-12-chiffres-a-garder-en-tete-29943

Posted by Leyopar

  1. Comme tu l’as bien dit en titre, il s’agit d’un sexisme « ordinaire ». Pourquoi est-il ordinaire, ce sexisme? À mon avis c’est parce que la grande majorité d’entre nous ne le remet pas en question: les hommes laissent faire parce qu’ils en bénéficient dans la plupart des cas, et les femmes, elles ne se battent bas assez pour inverser la tendance. Et quand je le dis, je ne parle pas (seulement) de challenger les collègues macho, mais aussi d’inculquer certaines valeurs à leurs garçons pour qu’ils ne grandissent pas avec l’impression d’être des pachas.
    Je me rappelle de cet article de la blogueuse Ahlem B. qui raconte justement comment une mère force sa fille a servir à boire à son frère sous prétexte que « lui c’est un garçon, c’est têtu et fier » et que elle est « une fille, plus raisonnable. Une fille, c’est patient. » Après ça, qui pourra arrêter ce garçon ?
    Voila le lien vers cet excellent article: Les mèches rebelles

    Répondre

  2. j’aime beaaaaaucoup cet article, je ne prends plus vraiment le temps de m’indigner, mais je prends le temps de montrer ce dont je suis capable. mais tt cela est déjà tellement ancré dans les moeurs que…. le changement est supeeeer mega loin. mais bon tenons bon. kissou ma beauté

    Répondre

    1. le changement est là il faut juste dire NON quand c’est opportun

      Répondre

  3. True to the edge. Mais coe dit will, ça commence par l’éducation des garçons.

    Répondre

    1. On est tous d’accord…. 😉

      Répondre

  4. C’est vraiment un cliché qu’a notre société aujourd’hui et comme tu l’as qui pense que cela est NORMAL (!!!) : et c’est dommage.
    Il faut revoir la manière de penser et de voir les choses.
    Bien à toi !

    Répondre

    1. Cela commence dès le berceau. C’est là qu’il faut agir. Pour que l’homme en devenir ne soit pas le goujat de demain….

      Répondre

  5. ah oui! être une femme ou un homme est une construction sociale. Donc pour être considéré comme une bonne femme il faudra remplir certains critères comme aimer le rose, savoir cuisiner ou apprendre à tenir la maison et son mari. On pense l’homme et la femme d’une manière globale, ce qui ne laisse aucune place à l’individu. Bel article

    Répondre

    1. Dieu merci les choses changent mais en Afrique ce n’est pas encore gagné…

      Répondre

  6. une femme n’a pas le droit de faire sa demande en mariage.de dire non à un devoir conjugale non désiré.d’entretenir un foyer où l’homme ne travail pas. elle n’a aucun droit sur son corps sur son coeur ni meme pour sa destinée.
    mais pourquoi un tel acharnement sur les femmes?

    Répondre

    1. Ma chère si seulement je le savais. Je pense qu’une des réponses tient au fait que ce sont les hommes qui ont défini les règles du monde…. pour cela ils ont ériger une expression devenue désuète femme = sexe faible

      Répondre

  7. Hi Leyo
    Je pense bêtement hein que s’il faut changer quelque chose c’est rien du tout même pas dans le berceau.
    Je ne suis pas macho -un peu quand même- mais physioloquement déjà l’homme est différent de la femme. Ce qui induit une attitude differente de l’un envers l’autre et surtout de tous envers chacun des genres. A mon sens faudrait harmoniser les genres (sexes?) pour ne plus parler de sexisme.

    Répondre

  8.  » Et il serait de bon ton d’arrêter de classer l’un ou l’autre des sexes dans des starting block et encourager l’explosion du meilleur de nous. »
    Je suis totalement d’accord. Mais encore, c’est pour quand?

    Répondre

  9. La lutte des minorités. Les hommes (sexe masculun) profitent du système pourquoi le remettraient-ils en question? Pourquoi les choses changeraient? Les femmes doivent se battre pour pouvoir changer les choses.
    Par contre, j’émets des doutes sur la prédominance de ce phénomène en Afrique.

    Répondre

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :